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Coups de gueule, Social

Alain Deneault et la médiocratie

«On est à l’aube d’une conjoncture révolutionnaire »

Dans la chaine web La-bas.org de Daniel Mermet, chassé de France Inter en 2014, l’intellectuel critique canadien Alain Deneault est interrogé par Aude Lancelin.  Il détaille la fabrication et l’emprise d’une réalité présentée comme incontournable et portée par les politiques et les médias. Ce récit est intériorisé de gré ou de force par  les populations. 

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Le totalitarisme pervers Alain Deneault Edition Rue de l’Echiquier

 

Alain Deneault est le théoricien de ce qu’il appelle l’extrême-centre, à savoir un mouvement politique et généralisé qui prétend trouver une voie entre la gauche et la droite mais conforme aux désidératas libéraux. Le macronisme en est une parfaite illustration. Cette idéologie est au service d’une pensée commune aux pays de OCDE qui repose sur la réduction des dépenses publiques, l’augmentation des bénéfices pour les entreprises, l’accroissement des dividendes pour les actionnaires, la réduction des droits des travailleurs, l’accès aux paradis fiscaux. Tout acteur politique doit s’y conformer pour avoir les faveurs de la presse, des  soutiens financiers, l’obtention des soutiens financiers, etc. Il existe une énorme pression pour ce conformer à ce programme non formalisé mais bien réel qui pèse sur le quotidien de centaines de millions d’individus et décrit comme un fait de nature incontestable. Sans aucun autre choix pour les peuples.

Une narration, autre façon de parler d’enfumage

Le capital crée une narration sublimée sans que jamais il ait à rendre compte aux politiques. Le lobbyisme vise à conditionner tous les acteurs sociaux et les populations pour favoriser un climat. Le message ?  Il ne sert à rien de se mobiliser contre une évidence économique. Même si beaucoup de gens ne veulent pas du système qu’on leur propose, ils se disent qu’il est vain de vouloir changer les choses. Alors qu’en France, 70% des citoyens pensent que la politique du gouvernement est contraire aux intérêts du salarié ordinaire,  peu de personnes se mobilisent dans la rue. Le lobbying des multinationales s’emploie à mettre sous pression tous les citoyens en pesant sur la réalité elle-même.  Et Denault de citer Guy Debord: « L’important n’est pas que les gens croient ce qu’il entendent mais que ce qu’il entendent soit la seule chose à laquelle ils aient droit« . Auto-entrepreunariat, individualisme, compétition: ce champ sémantique  veut liquider un patrimoine de la pensée politique qui est celui des enjeux communs. Il faut cesser de parler des « services publics » mais plutôt de rentabilité et de clientèle. Le public doit s’inspirer du privé. Dans ce discours, le peuple devient la société civile, l’écologie politique se transforme en développement durable, etc. . Il y un écart considérable entre ce que les gens savent et ce qu’on doit dire, comme pour un refoulement psychique. « C’est absurde mais nous n’en sommes que les vecteurs »  Les gens ordinaires qui travaillent dur sont à la fois généreux et malheureux. Ils n’ont pas voulu ou pu penser de manière critique.

Au centre: les médiocres d’obédience

Ce sont eux les favorisés, ils n’ont pas de passion, pas de convictions, pas de principes sinon ceux d’adopter l’attitude que le pouvoir souhaite nous voir adopter. Ils  ne veulent pas être utiles ou responsables socialement. Ils se demandent comme se rapprocher des plus fort et ont toujours un coup d’avance pendant que les autres s’échinent a remplir au mieux leurs tâches. Les médiocres d’obédience ont de l’avenir. « C’est la banalité du mal décrite par Hannah Harendt. »  Il y a aussi ceux qui tentent de lutter et vont militer dans un syndicat où ils découvrent que ce qu’ils y font n’est pas bien différent de ce qu’il fuient. Pour cette catégorie, la prudence est de rigueur car le système est coercitif.  On fabrique des univers mentaux comme l’avait crument reconnu Patrick Le Lay, ex-pdg de TF1 à propos du temps de cerveau disponible du télespectateur pour Coca-Cola et autres annonceurs. L’information continue transforme les journalistes en  commentateurs sportifs, comme si la politique était un match interminable alimenté par du n’importe quoi, des petites phrases, etc.

Le capitalisme et la mondialisation présenté comme une loi incontournable 

Telle la loi de la gravité, la mondialisation libérale, sans souci des individus, serait incontournable. L’Etat n’est plus le recours et n’est plus le garant du bien commun. Les multinationales tentent de s’interposer à tous les échelons de la société, au delà même de la création d’une bonne d’image médiatique. La souveraineté des états ne s’exerce plus que sur des normes comme le salaire minimum, les accidents de la route, le tabac, etc. La souveraineté off-shore des multinationales s’exerce partout. La symbiose entre les Etats et multinationales est parfaite.

Nous sommes à l’aube d’un situation révolutionnaire car il est entendu que ce régime absurde ne peut pas durer. Il n’est pas possible de poursuivre le statut-quo sans qu’il y ait un ressac, une situation où les crises vont se multiplier et se relier entre elles. Il sera plus risqué de continuer dans le paradigme idéologique libéral actuel que de tenter autre chose. L’étincelle peut venir d’un loi qui ne passera pas dans la rue, d’une énième bulle financière, d’une provocation ultime, etc. Ce moment est imprévisible.

 

À propos de Serge Escalé

Rédacteur. En veille sur l'économie, le social, l'usage et implications des technologies, le numérique.

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