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Histoire, Histoire, Livres

Une guerre d’extermination Espagne 1936-1945 – Paul Preston –

Ed Tallandier – 990 pages –

Ce livre n’est pas un livre d’histoire au sens classique. Pour situer le contexte historique, il faut se reporter à la référence à la fin de cet article. Il est la recension méticuleuse et la plus exhaustive à ce jour des exactions massives du camp rebelle (franquiste) mais aussi dans une moindre mesure, du camp républicain (voir la carte des chiffres de la répression derrière les lignes). La description des violences extra-judiciaires exercées contre les civils est souvent difficile à lire tant elle sont excessives, arbitraires.

L’auteur démontre, point par point, en quoi cette guerre civile a mis en oeuvre toutes les logiques et pratiques de l’extermination de masse : exécutions sommaires par milliers, procès factices, torture et viols systématiques, emprisonnements abusifs.

Les liens de Franco avec Hitler sont décrits avec précision, notamment l’intervention de Heinrich Himmler pour rapatrier les juifs communistes et socialiste allemands vers les camps d’extermination.

La répression coté rebelle ( franquistes )

La répression exercée par les rebelles franquistes a été d’une grande intensité dans le sud de l’Espagne. Le lieutenant-colonal Yagüe coupable de brutalités hors du commun durant la répression de la révolte des mineurs d’Asturies en octobre 1934, se livre avec ses troupes, les 14 et 15 aout 1936, à des massacres de grande ampleur à Badajoz capitale de l’Estremadure. Les estimations actuelles indiquent pour ce crime de guerre un nombre probable compris entre 2 000 et 4 000 victimes. Il s’agit d’un crime contre l’humanité.

En Andalousie, le général Queipo de Llano a autorité sur cette région où la répression fait 47.400 victimes durant la guerre civile, bien plus que la répression républicaine. Viols des femmes, exécutions sommaires extrajudiciaires sur simple dénonciation et vengeances des latifundistas (grands propriétaires terriens) suite aux expropriations du gouvernement républicain. Le récit détaillé de ces exactions par l’auteur qui s’appuie sur un travail irréprochable de recherche donne une idée de cette terreur blanche.

Au nord, le général Mola n’est pas en reste en Navarre, Galice, Castille et Léon. Son objectif est simple « Il est nécessaire de répandre la terreur. Nous devons créer une impression de maitrise, en éliminant sans scrupule ni hésitation tout ceux qui ne pensent pas comme nous« . En dehors du clergé basque, la plupart des prêtres et religieux espagnols prennent le parti des rebelles franquistes. Assassinats sans jugements, malnutrition, mauvais traitements et viols se succèdent.

La répression côté républicain

Côté républicain, Fédérica Montseny, ministre anarchiste de la santé et des affaires sociales, déplore la brutalité du terrorisme révolutionnaire sous la coupe de Manuel Escorza del Val, chef du service de contre-espionnage de la CNT-FAI (syndicat anarchiste).

L’auteur du livre qu’on ne peut accuser de la moindre sympathie avec le camp franquiste décrit la création des « checas » par les comités crées par les syndicats et partis ouvriers. Il s’agit d’un lieu, en zone républicaine, utilisé pour emprisonner, interroger, torturer ou juger de manière expéditive. Dès le 19 juillet 1936, il n’y a plus aucun pouvoir en Espagne, la droite se terre et le gouvernement de gauche n’a plus de latitude pour gouverner et agir. Le conseiller à l’ordre public communiste, le jeune Santiago Carillo (21 ans) qui deviendra plus tard secrétaire général du parti communiste d’Espagne, a connaissance des actions hors contrôle gouvernemental. Ainsi, les prisons sont ouvertes avec la libération de centaines de prisonniers de droit commun, parmi lesquels des psychopathes qui profitent du chaos pour maquiller leurs crimes en actes politiques. Les sacas (sortie massives des prisonniers des prisons dans le but officiel de les libérer, mais pour finalement les exécuter ou les transférer) s’enchainent hors de toute instruction judiciaire.

Le massacre de Paracuellos de Jarama, le plus important de cette période a été perpétré par le camp républicain et a concerné entre 2200 et 2500 prisonniers politiques.

Cette carte montre l’ampleur de la répression franquiste dans toutes les régions d’Espagne, sans commune mesure avec la répression derrière les lignes républicaines. Seules exceptions, la Nouvelle-Castille (Madrid) et la Catalogne (Barcelone) où la répression du camp républicain dépasse celle des rebelles franquistes.

Le séparatisme Catalan, objet de la vindicte franquiste

La haine inextinguible du peuple catalan par le camp rebelle apparait très clairement dans les déclarations de Ramon Serrano Suner, beau-frère de Franco et ministre de l’intérieur «  le nationalisme catalan est une maladie qu’il faut éradiquer. La population catalane est moralement et politiquement malade« . Cette obsession historique anti-catalane profondément enracinée éclaire en grande partie la résurgence récente du parti d’extrême-droite VOX en réplique au mouvement indépendantiste catalan de 2017. Ce parti a engrangé 15 % des voix, 52 députés et deux sénateurs fin 2019, soit le meilleur résultat d’un parti pro-franquiste depuis l’accès de l’Espagne à la démocratie en 1977.

Le même Ramon Suner qui a l’aval total de Franco déclare: «  Le but est la guerre est de renforcer la race. Il est nécessaire d’obtenir l’élimination totale de nos ennemis de ces intellectuels de premier plan qui ont entrainé la catastrophe« .

De fait l’ampleur et la durée de la répression franquiste dura de 1939 à 1946. Franco s’engagea dans une action minutieuse d’épurations par tous les moyens des combattants ou sympathisants du camp républicain au travers de procès expéditifs, exécutions sans fondements juridiques, tortures.

Après 1939, épuration et création d’un grand récit national par Franco

Après la guerre civile, Franco a mis en oeuvre un contrôle totalitaire du système éducatif et de tous les médias ( presse, radio et édition) pour imposer un récit national, véritable lavage de cerveau de la population durant 35 ans. La séquestration des enfants de prisonniers républicains devient systématique. Douze mille enfants sont confiés à des institutions religieuses ou nationales. Nombre d’entre eux sont déclarés morts-nés et adoptés, moyennant finances, par des familles franquistes.

Sur l’auteur: Paul Preston est un historien britannique, docteur en histoire de l’Université d’Oxford. Il est spécialiste de l’histoire de l’Espagne contemporaine et en particulier de la période de la guerre d’Espagne. Ancien militant anti-franquiste, il assume son engagement d’historien de gauche et sa défense de la seconde République espagnole. Son récit de la guerre et du franquisme s’oppose notamment à la version de l’historien américain Stanley Payne.

Références sur la guerre d’Espagne:

Guerre civile d’Espagne ( Larousse) La guerre d’Espagne fit au total plus d’un million de victimes (en comptant les décès par maladie) : 145 000 morts, 134 000 fusillés, des représailles des deux côtés mais plus nombreuses côté rebelles, 630 000 morts de maladie. Plus de 400 000 Espagnols s’exilèrent ; le régime franquiste s’est développé dans un pays ruiné.

La durée de l’épuration franquiste qui dura au moins 7 ans après 1939 est une des plus longues dans l’histoire des guerres civiles.

À propos de Serge Escalé

Rédacteur. En veille sur l'économie, le social, l'usage et implications des technologies, le numérique.

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